Albin Hillert/CEC
Par Jean-Guillaume DeMailly
EPUB, Église protestante unie de Belgique
Hartmut Rosa, écrivain et universitaire bien connu dans son pays d’origine, est l’auteur de plusieurs livres, dont certains ont été traduits en Français (comme Accélération et aliénation et Pédagogie de la Résonnance).
Sur base de travaux de recherche en sociologie, qui s’inspirent aussi de concepts théologiques, Rosa propose deux visions de l’Europe.
La première est celle de la croissance perpétuelle, du succès économique et de la compétitivité, toutes notions longtemps considérées comme nécessaires à la construction d’un futur meilleur.
Rosa constate qu’il s’agit d’un piège, ce paradigme ayant conduit à une accélération permanente de nos vies, simplement pour conserver nos acquis. Ce qui se traduit concrètement par de la violence : le diktat de la productivité, par exemple, engendre des burnouts et des dépressions. Dans les cas extrêmes, il en résulte une agressivité sociale et la haine de la différence. Cette violence dépasse le cadre de notre espèce et s’exerce aussi sur l’environnement à travers l’exploitation jusqu’à l’épuisement des ressources naturelles.
Les workshops qui ont suivi la présentation ont montré que cette vision désenchantée est partagée par de nombreu.x.ses auditeurs et auditrices. Ainsi de la pasteure islandaise Maria Agutsdottir : « en tant que femme blanche européenne, j’ai longtemps cru que notre soif insatiable de richesse allait changer. Je n’ai jamais vu ce changement. »
Pourtant Rosa propose une autre vision de l’Europe, qu’il appelle Résonnance et dont il retrouve les traces ténues dans nos traditions théologiques et dans le mouvement romantique. Selon lui, il s’agit d’une nouvelle conception, d’un projet pour l’Europe. Et les Églises peuvent être des moteurs puissants pour mettre ce projet en œuvre.
Certes, le programme est alléchant, la Résonnance étant définie comme une manière responsable d’être au monde reposant sur 4 piliers :
- Émotion ; il s’agit de se laisser toucher par quelque chose, une lumière, une musique, un sourire
- Affection ; c’est-à-dire expérimenter une connexion avec les autres, avec le monde, non pas une fusion, mais un partage qui admet les désaccords éventuels
- Transformation ; se laisser émouvoir et s’autoriser à partager de nous transforme, de nouvelles idées apparaissent
- Incontrôlabilité ; la Résonnance n’est pas contrôlable, on ne sait pas où quand nous serons émus, cela ne s’achète pas
En définitive, cette définition de la Résonnance est très similaire à notre expérience de vie en Église, nous dit Hartmut Rosa. Ainsi, la foi est une invitation à entrer en Résonnance avec les autres, avec la nature, avec les objets et avec soi. La foi est aussi un appel vertical de la Résonnance, « au cœur de mon existence, quelqu’un m’écoute et m’appelle ». Le sociologue envisage Dieu comme un symbole de cette Résonnance et la Bible comme un appel à nous connecter à quelqu’un ou à quelque chose de plus grand que nous.