La Professeur Dr Christine Schliesser, de l'Université de Fribourg. Photo: CEC/Łukasz Troc
La Conférence des Églises européennes (CEC) organise une Consultation européenne sur la paix juste, à Varsovie du 9 au 11 décembre, en lien avec le Conseil des Églises chrétiennes de Pologne.
La première journée de cette Consultation européenne était dédiée aux fondements du concept de paix juste — écho du concept chrétien traditionnel de guerre juste, entre autres développé par Thomas d’Aquin.
Ouvrant la journée, le Pr Neal Blough, franco-américain, est revenu sur les racines bibliques de ce concept de paix juste : « traduire la notion hébraïque de shalom par le mot paix est totalement réducteur. Le shalom n’est pas seulement l’absence de conflit, mais signifie que le peuple tout entier vit bien et prospère. » Il ne peut ainsi y avoir de paix sans justice, soulignait-il, reprenant les mots du Psaume 84 : « paix et justice s’embrasseront. »
Ces mots ont trouvé une résonance certaine au sein de l’assemblée. Cette Consultation est en effet la première de ce genre, à l’échelle du continent européen, entre représentants d’Églises de confessions différentes, à oser aborder cette question de la paix dans le contexte post-invasion russe de l’Ukraine en 2022. Les délégués d’Églises ukrainiennes représentent d’ailleurs près du quart des participants présents sur place, soulignant la grande attente qu’ils ont d’une solidarité des autres chrétiens du continent.
La Consultation prend place dans le cadre de l’initiative Pathways to Peace (P2P — Chemins vers la Paix), lancée par la Conférence des Églises européennes à l’été 2022, pour garder le lien entre les Églises ukrainiennes et les autres Églises européennes, travailler théologiquement la question de la guerre et de la paix et apporter une aide concrète aux églises ukrainiennes enlisées dans ce conflit.
Le oui irrévocable de Dieu
Le Pr Fernando Enns, enseignant la théologie de la paix aux Pays-Bas et en Allemagne, et engagé de longue date au sein de différentes commissions du Conseil œcuménique des Églises (COE) est revenu pour sa part sur le cheminement de ce concept de paix juste au sein du mouvement œcuménique. Soulignant que la question de la paix était déjà centrale dès les premières discussions du mouvement œcuménique entre les deux guerres mondiales. « Mais, évidemment, le mouvement de réconciliation entre Églises après la Seconde Guerre mondiale a souligné cette centralité encore plus fortement, comme l’écrivait la déclaration clôturant l’Assemblée d’Amsterdam en 1948 : la guerre est contre la volonté de Dieu. »
C’est dans le cadre du processus conciliaire Justice, Paix et Intégrité de la Création, lancé au cours de l’Assemblée du COE de Vancouver en 1983 qu’ont émergé les prémices du paradigme de paix juste : « ce n’est pas seulement l’absence de conflit, c’est le oui irrévocable de Dieu pour le monde. » Le concept s’est précisé dans le monde de l’après-guerre froide, en particulier lors de l’Assemblée du COE de 2006 à Porto Alegre, en dialogue avec le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan.
Le pardon est possible partout
Reparcourant l’histoire de la relation de la théologie chrétienne à la question de la guerre et de la paix puis l’évolution du concept de paix juste dans les relations internationales depuis le début des années 2000, la Professeure Dr Christien Schliesser, de l’Université de Fribourg, a également donné des exemples concrets d’expériences du terrain dont elle a pu être témoin. Citant ainsi son collègue et ami, Christophe Mbonyingabo, survivant du génocide rwandais, et le travail de réconciliation qu’il mène au plus près entre génocidaires et victimes : « si le pardon est possible au Rwanda, c’est possible partout. »
Gérald Machabert
Pasteur de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine